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Interruption de la gestation

Le décès de chiots nouveau-nés constitue toujours une amère déception pour l'éleveur, et l'on estime à environ 30 % la mortalité des chiots entre la naissance et la 7e semaine, avec 10 à 12 % de mortinatalité, 13 à 15 % de mortalité dans les 15 premiers jours et 7 à 10 % entre le 15e jour et la 7e semaine.
Ces statistiques, confrontées au prix d'un chiot, font de la pathologie néonatale une préoccupation majeure des éleveurs et des cynophiles.
Il s'agit cependant d'un aspect de la pathologie canine qui a été souvent délaissée, comparativement à l'étude des maladies infectieuses du chien après sevrage.

La pathologie périnatale, qui prend généralement un aspect épizootique même si la composante contagieuse n'est pas systématique, regroupe des affections liées à l'immaturité physiologique du chiot, à des anomalies génétiques, à une incidence maternelle et / ou de l'environnement.

Les avortements observés chez la chienne font encore l'objet d'études peu nombreuses, probablement parce que leur intérêt économique a longtemps été considéré comme limité, sauf lorsqu'ils évoluent sous forme enzootique en élevage.

Importance

Il est difficile de préciser leur fréquence (3 à 13 % des gestations selon les auteurs), d'autant que certaines particularités physiologiques ou comportementales de la chienne masquent parfois leur mise en évidence.
Les avortements ne sont généralement observables que dans le dernier tiers de la gestation.
Les manifestations cliniques anormales peuvent faire défaut chez la chienne en cas de mort précoce de l'embryon.
Par contre, au stade fœtal, la mort d'un ou de plusieurs produits peut s'accompagner de signes généraux plus ou moins accentués et de signes locaux :

  • écoulement vaginal hémorragique ou purulent.
  • les fœtus avortés peuvent être auto lysés, momifiés ou sans lésions spécifiques.

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 La chienne qui a avorté


L'intervention immédiate sur la chienne qui vient d'avorter est fondamentale dans la maîtrise des avortements.


a) Isolement de la chienne
Lors d'avortement infectieux, et souvent pendant plusieurs semaines, les pertes vaginales sont très riches en agent causal, donc très contaminantes pour les autres chiens de l'élevage.
Il convient donc d'isoler la chienne qui vient d'avorter, et de respecter des précautions évidentes dans la gestion quotidienne de l'élevage : changer de vêtement et surtout de chaussures lorsqu'on pénètre dans le local d'isolement, utilisation de surbottes. Lors du nettoyage des locaux, il est indispensable de respecter le principe de la " marche en avant ", c'est-à-dire systématiquement terminer par le local d'isolement. Ces précautions strictes devront être maintenues jusqu'à l'identification de l'agent causal.


b) Examens complémentaires
Il convient de faire réaliser par un vétérinaire un examen clinique minutieux de la chienne qui vient d'avorter, de façon à déceler une pathologie générale dont l'avortement pourrait être l'une des conséquences cliniques. Le vétérinaire réalisera également un examen gynécologique approfondi : l'examen de la muqueuse vulvaire permettra, par exemple, de se rendre compte de l'aspect des pertes ou de la présence de lésions particulières (le port de gants est recommandé lors de cet examen de façon à se protéger contre une éventuelle zoonose). Les frottis vaginaux permettront de déceler une inflammation de type vaginite ou métrite ; une prise de sang sur tube sec sera également réalisée en vue d'une sérologie (herpes, brucellose).
Il est également utile de réaliser une palpation soignée, ou de préférence, un examen échographique ou radiographique afin de déceler s'il reste d'autres fœtus dans l'abdomen, ou si une métropathie est en voie de développement.


c) Autopsie des avortons
Lorsqu'il est possible de les retrouver, les fœtus avortés et leurs annexes seront examinés le plus rapidement possible : les phénomènes d'altération qui s'instaurent immédiatement masquent souvent des lésions subtiles normalement observées au moment précis de l'avortement et détruisent la plupart des micro-organismes. Même dans les meilleures conditions, le laboratoire ne pourra confirmer le diagnostic sur les seuls avortons que dans 25 à 35 % des cas.

Étiologie

A l'exception des traumatismes violents (coups de pied dans l'abdomen, bagarres dans les meutes de chiens) qui peuvent être à l'origine d'avortements chez la chienne, les facteurs infectieux (virus, bactéries ou parasites) sont responsables de la majorité des interruptions de gestation et revêtent une importance particulière en raison des risques épidémiologiques.

Virus
Les avortements dus à des virus sont mal connus, mais il est fortement probable que les infections virales agissent fréquemment en prédisposant aux affections bactériennes ou en synergie avec elles.
L’herpes virus est certainement l’agent responsable de troubles de la reproduction le mieux connu en élevage canin, mais il est plus souvent responsable de mortalité néonatale que d’avortements.
Le virus de la maladie de Carré peut provoquer des avortements, mais la vaccination des reproducteurs a rendu très rare une telle manifestation clinique ; il en va de même des adénovirus (hépatite de Rubarth).
Par contre, le parvovirus n’est pas responsable d’avortements directs chez la chienne, bien que des cas de chiennes cliniquement très atteintes et ayant secondairement avorté aient pu être signalées.

Bactéries
Les bactéries responsables sont le plus souvent non spécifiques. Elles peuvent provenir de l’alimentation (salmonelles), ou du développement pathologique de bactéries existant normalement à l’état saprophyte dans les voies génitales femelles (E.coli, S.hemolityca, Mycoplasma, …). 
La contamination brucellique à Brucella abortus se fait essentiellement par ingestion de délivres de bovins : on peut observer un délai de 2 ans entre la contamination et l’avortement. Celui-ci se produit vers le 50e jour de gestation, sans signe précurseur, et est suivi de pertes prolongées séro-purulentes brunes ou gris vertes. Les fœtus présentent souvent de l’œdème et des hémorragies cutanées. 
La brucellose à Brucella canis est pour le moment la seule infection bactérienne abortive spécifique de l’espèce canine. Très répandue aux USA et en Amérique Latine, elle a été isolée récemment en France par le CERREC. En dehors de la voie sexuelle, la contamination se fait par voie oro-nasale ou par les écoulements vulvaires observés lors d’avortements. L’infection est définitive (la mise en place d’une thérapeutique efficace demeure illusoire). L’avortement suit le même déroulement lors d’infection à B. abortus. Il se produit entre le 30e et le 50e jour de gestation et est suivi de pertes vaginales très infectieuses pouvant persister pendant 6 semaines. Il n’est pas rare d’observer de nouveaux avortements lors de gestations ultérieures.